C'est le cœur lourd qu'il partait pour prendre le chemin du lycée. Avec ce goût acre et tenace dans la bouche. Ce goût, ça faisait quatre ans qu'il le connaissait par cœur. Quatre ans... C'est le nombre d'années où son beau-père est venu s'installer après le divorce de ses parents. Ce beau-père aux allures sympathiques, drôle, n'ayant jamais un mot plus haut que l'autre. Et pourtant un beau-père qui n'a pas su s'empêcher de profiter de l'homosexualité de son beau-fils. Il commença d'abord par les coups et les insultes, qu'il sortait sur le ton de l'humour aux yeux de tous mais qui cachaient une profonde haine en réalité. Ou plutôt masquaient le refoulement de désirs jamais avoués. Après les coups vint la tendresse. Mais pas la tendresse dont tout le monde a besoin. Non. Cette tendresse là était impure, sale. Du moins c'est la tendresse que l'on donne à son/sa petit-e ami-e. Il commença par de simples baisers sur la joue, mais qui au fur et à mesure du temps se dirigeaient de plus en plus vers les lèvres du jeune homme. Jusqu'à les atteindre. L'adolescent savait que ce qu'il venait de subir était interdit. A son âge, il avait suffisamment été renseigné, et pourtant, ce furent les menaces de son beau-père qui lui fit garder le silence. "Si une personne, une seule, est au courant de ce qu'il vient de se passer, toi et ta mère vous moisirez au fond du jardin" lui disait-il. La corpulence et le regard dur de son beau-père suffisait à nourrir sa persuasion que s'il parlait cela arriverait vraiment. Il était désormais hors de danger pour son bourreau et est devenu l’appât de celui-ci. En cours, il souriait, inventait des activités menait avec sa famille qu'il décrivait "parfaite et heureuse" à ses amis. A son petit-ami. Alors qu'en réalité plus les mois passaient, plus la "tendresse" de son beau-père se faisait importante. Après les baisers suivirent les caresse sous les vêtements; Sous les sous-vêtements. Le beau-père ne mit pas de temps avant de pimenter ces moments que le jeune qualifiait de "démoniaques parenthèses". Il commença par les fellation, puis les pénétrations. Lorsque cela arrivait, le jeune homme regardait la photo de sa défunte grand-mère accroché au-dessus de son bureau en lui priant de l'excuser. Alors qu'il n'était pas coupable il était victime. Quatre ans qu'il se faisait abuser sans rien dire. Quatre ans qu'il avait supporté grâce à l'effet euphorique du cannabis, l'effet amnésique de l'alcool. Puis quatre ans où il trouvait refuge dans les bras de son Roméo. Endroit où il parvenait à oublier. Mais ce ne fut que temporaire. Les crises de son tyran se faisaient de plus en plus omniprésente dans les pensées de celui-ci et il ignorait combien de temps encore allait-il supporter tout ceci sans rien dire ?
Une heure après son départ pour le lycée, la douce voix de la "Femme Ferroviaire" comme il aimait l'appeler annonçait que le train était bloqué suite à un accident sur la voie. Sur le quai hommes, femmes et enfants était choqués, traumatisés par la scène dont ils venaient d'être témoin. Un jeune homme aux apparences sans soucis s'était élancé sur le chemin de fer alors qu'un train sans arrêt arrivait à vive allure. C'est dans le silence le plus morbide et le plus masochiste mais en même temps protecteur vis-à-vis de ceux qu'il aimait que celui que nous appelleront Gabriel a décidé de quitter la planète Terre pour s'envoler vers d'autres cieux car le silence était devenu insoutenable.